LIEGE, POURQUOI CE MATÉRIAU EST-IL RÉELLEMENT VERTUEUX ?
Le liège fait partie des matériaux que nous recommandons dès qu’un projet intègre une stratégie d’isolation thermique de certains éléments de paroi, et ce pour plusieurs raisons que nous vous détaillons ci-après. Primo, le cycle de vie du liège est exemplaire, vertueux, du fait notamment de son endémisme (au Maroc) et de la forte recyclabilité des produits dérivés. Deuxio, son impact positif sur le confort (thermique, acoustique, sanitaire…) en fait un candidat idéal en construction. Tertio, parce que sa production valorise des écosystèmes et savoir-faire ancestraux qu’il est urgent de préserver.
Origine du matériau
Le liège dont nous parlons ici est l’écorce du chêne-liège, Quercus suber (à noter qu’une autre espèce produit une écorce liégeuse, beaucoup moins exploitée : le chêne-liège de Chine, Quercus variabilis). Dans les zones de peuplements denses cet arbre atteint les 8 m, mais peut mesurer 25 m s’il est isolé. Les principales suberaies (forêts de chêne-liège) se concentrent sur le pourtour méditerranéen, entre l’Afrique et l’Europe.
Cet arbre est réputé, outre son port majestueux, pour son écorce très épaisse, qui joue un rôle important dans la protection et le développement de l’espèce. Elle est formée de deux sous-couches : le liber (l’écorce interne) et le suber (l’écorce externe). La première est traversée par des canaux qui transfèrent les nutriments des feuilles vers les branches, le tronc et les racines. La deuxième sous-couche protège l’arbre des facteurs de dégradation extérieurs : intempéries, maladies, animaux mais surtout les incendies. En effet, en cas d’incendie, la mortalité d’une population est de 100% juste après deliégeage (encore appelé la « levée du liège »), 70% après trois ans et seulement 2% après neuf ans, période nécessaire à la reconstitution d’une couche protectrice.
Cycle de production du liège
Lorsqu’un arbre atteint 20-25 ans, la première génération d’écorce peut être récoltée : le liège mâle, très crevassé et dur. Cette récolte se nomme le démasclage.
Le deuxième écorçage produit un liège plus régulier et moins dur : le liège de première reproduction.
A partir du troisième écorçage, tous les 9 ans minimum, est récoltée une écorce de meilleure qualité, utilisable pour les bouchons : le liège femelle.
La transformation du liège
La production du liège est une vieille industrie qui repose sur d’anciennes pratiques artisanales, et dont l’horizon ne cesse de s’étendre grâce aux propriétés étonnantes de ce matériau. La production des panneaux d’isolation en liège passe par 4 étapes essentielles : les plaques de liège empilées à l’air libre, sont traitées à la vapeur d’eau, puis, introduites dans un système de broyage qui leur transforme en granulats. Ensuite, ce nouveau matériau est tamisé et filtré afin de le débarrasser de toute matière fibreuse. Pour obtenir du liège expansé, les granulats sont mis dans un autoclave, qui leur injecte de la vapeur d’eau surchauffée (à plus de 300°C), la subérine assurant la liaison des granulats. En sortant, le liège broyé et expansé est mis sous pression par des plaques chauffantes et découpé. Quand il ne s’agit pas du liège expansé, une étape de malaxage avec de la colle précède l’opération de mise sous pression.
Alors, oui, le liège est un matériau naturel noble, mais pour quelles raisons précises en justifier l’usage en construction ?
Performance thermique
Le liège est un isolant thermique performant en hiver, mais aussi, et surtout, en été. La protection contre le froid est communément assurée par tout type d’isolant thermique rapporté, comme le liège dont la conductivité thermique, affichant un lambda moyen λ=0,040 W/m².K, le classe parmi les bons élèves.
Or, garder cette sensation de confort pendant l’été est une qualité que beaucoup d’isolants ne permettent pas, en l’occurrence les isolants minéraux ou plastiques. Le liège, comme tous les matériaux dérivés de végétaux (laine de bois, de lin, de chanvre, paille, ouate de cellulose…), du fait de sa forte capacité à emmagasiner les calories (chaleur spécifique c=0,58 Wh/kg.K), ralentit le passage du flux thermique incident depuis l’extérieur, créant ainsi un décalage entre la température régnant à l’extérieur et celle de l’intérieur. Ce phénomène primordial à l’obtention d’un réel confort en été est appelé le déphasage thermique. Ainsi, les calories ne pénétrant les espaces de vie qu’à la nuit tombée, il est plus aisé de les évacuer rapidement par une ventilation nocturne dont l’air est rafraîchi.
Les graphiques suivants illustrent les performances thermiques de 4 isolants thermiques connus : liège, laine de bois, laine de verre et polyuréthane (PU.) A gauche, la résistance thermique correspond à la capacité à réduire la quantité de calories qui passent (valable en hiver et en été). A droite, le déphasage montre le temps que mettront les calories pour traverser l’isolant (une valeur élevée prime pour un bon confort d’été).
Autre point fort, sa performance thermique n’est quasiment pas altérée par la présence d’eau. Lorsque de l’eau liquide imprègne un isolant (fuite, condensation, paroi non perspirante…) elle remplit les alvéoles de ce dernier, remplaçant l’air peu conducteur par de l’eau très conductrice. Le liège étant constitué de cellules à la paroi étanche (on en fait pas des bouchons pour rien…), ce phénomène ne se produit pas.
Dernier avantage thermique, lorsqu’utilisé en parement, son effusivité thermique. Celle-ci le classe parmi les « matériaux chauds », permettant une correction thermique de surface performante, supprimant ainsi l’effet de paroi froide que peuvent amener certains parements (pierres, faïences…)
Performance acoustique
Les comportements phonique et acoustique de ce matériau résultent de sa structure cellulaire idéale : 95% de son volume global étant composé de gaz inerte, emprisonné entre les parois de subérine. La vitesse des ondes sonores est, alors, considérablement atténuée grâce au changement incessant de milieux de propagation. C’est un matériau utilisé de longue date dans ce domaine, et pour cause. Il présente un affaiblissement phonique remarquable (diminue les nuisances de réverbérations dans les locaux), il est performant à la réduction des bruits d’impact tout comme au traitement des bruits aériens provenant de l’extérieur.
Affaiblissement. Pour une cloison composée 10 mm plâtre / 30 mm liège / 10 mm plâtre : Rw = 34 dB
Réduction des bruits d’impact. Panneau de 40 mm de liège et 120 kg/m³ : affaiblissement moyen total = 49,4 dB
Absorption (le facteur α est spécifique à chaque fréquence). Panneau de 20 mm de liège et 120 kg/m³ : 125 Hz, α=0,09 / 250 Hz, α=0,08 / 500 Hz, α=0,35 / 1000 Hz, α=0,60 / 2000 Hz, α=0,36 / 4000 Hz, α=0,49
Performance sanitaire
Selon le Guide de l’habitat sain, le liège est considéré comme un matériau sain. Imputrescible, il empêche tout développement fongique (moisissures) pouvant provoquer une dégradation de la qualité de l’air intérieur. Il ne dégage pas non plus de COV (composés organiques volatils). C’est aussi un matériau antistatique, qui n’attire pas de poussière, et qui est donc facile à nettoyer. En cas d’incendie, les panneaux de liège, empêchent la propagation de flammes et ne dégagent pas de gaz toxique.
Autres atouts
Du fait de sa forte élasticité, le liège présente une stabilité dimensionnelle remarquable. Ainsi, les isolants utilisés au niveau des parois, qui plus est verticales, ne connaissent pas de tassement ce qui évite l’apparition de faiblesses thermiques sur le long terme.
Mise en œuvre dans le bâti
L’isolation en liège, thermique ou phonique, permet de traiter tout ou partie de l’enveloppe d’un bâtiment : parois verticales, horizontales, inclinées. Sa résistance structurelle en fait un excellent choix pour l’isolation d’une toiture terrasse (végétalisée et/ou accessible) ou d’un plancher intermédiaire. Le liège se présente sous trois formats permettant des mises en oeuvre variées : isolation par l’extérieur, par l’intérieur, en remplissage, correction thermo-acoustique d’une paroi intérieure…
Les panneaux de liège expansé. Format le plus connu, d’épaisseur variable et de taille standard, 1 x 0,5 m. Ces éléments sont fixés par collage ou vissage (4 à 5 points de fixation par panneau), en remplissage d’une structure (montants, solives…) ou rapporté sur une paroi pleine (toiture terrasse, plancher…) Comme tout isolant en panneau ou rouleau, préférer une pose en deux couches croisées.
Les granulats de liège expansé. Sous cette forme, il peut être déversé en vrac entre les parois d’un mur, étalé entre les solives d’un plancher, soufflé pour remplissage de combles. Il peut encore être utilisé comme granulat d’un béton léger (de chaux, de terre…) pour réaliser une chape isolante.
Les rouleaux de liège. Leur faible épaisseur les réserve plutôt au traitement acoustique d’un sol (sous parquet, carrelage…) ou à la décoration intérieure.
Nouveaux produits constructifs à base de liège
Certains produits déclinent dorénavant le liège combiné à d’autres matériaux naturels. Citons pour exemple l’isolant Corkoco, de chez Amorim, mélangeant liège expansé et fibre de coco.
Ou encore Sapiliège, de chez Simonin, pannes de bois massif dont l’âme est composée de liège expansé.
Une véritable peau
Du fait de ses caractéristiques (isolant, imputrescible, étanche, agréable au toucher…) il n’est pas surprenant de voir ce matériau naturellement décliné en parement , intérieur comme extérieur. Le matériau quittant l’ombre des entrailles des bâtiments pour être révélé et magnifié au grand jour. Un des projets les plus connus est sans nul doute le pavillon de la Serpentine Gallery, rêvé et dessiné par Herzog & de Meuron et Ai Weiwei, dont le sol, les gradins, le mobilier, l’habillage des poteaux… tout est intégralement fait de liège. Bien d’autres projets ont su mettre en avant ce noble matériau, comme illusté ici.
Un matériau aux usages multiples
Ses autres utilisations sont innombrables : revêtements souples, mobilier, bouchons, disques, flotteurs, semelles, balles de cricket, papier pour imprimerie, descentes de bain, dessous de plats, manches pour cannes à pêche, emballage divers, la laine de liège pour matelas, le tissu de liège…
Fin de vie du matériau
Le cycle de vie du liège est exemplaire pour deux raisons majeurs : il est vertueux (tant que le bilan carbone lié au transport ne le plombe pas), et il s’agit d’un cycle stricto sensu, la fin est le début (nous pouvons remplacer la formule d’usage « du berceau à la tombe » par « du berceau au berceau »). De « la levée du liège » qui ne nécessite aucun abattage d’arbre, en passant par sa transformation qui reste à faible impact environnemental (tant dans la consommation de ressources naturelles que d’émissions de polluants), puis par sa vie en oeuvre qui génère confort, économies de ressources énergétiques, préservation du bâti… jusqu’à sa fin de vie, qui, en fonction de la forme de mise en oeuvre, n’en est pas une. En effet, que ce soit en plaques ou granulés déversés en vrac, le liège pourra être récupéré en fin de vie du bâtiment et (re)mis en oeuvre facilement, recyclé ou retourné à la nature (expansé il reste un matériau naturel biodégradable, sans impacts écologique négatif.)
Vous l’aurez compris, le liège est un matériau qui ne cumule que des avantages, écologiques, performanciels, sociaux… et dont les performances hygrothermiques globales dépassent de loin celles des isolants minéraux ou plastiques. Son seul inconvénient, de nos jours, son prix de vente : victime de son propre succès, la demande surpassant l’offre, et les Lois de l’économie de marché s’appliquant inévitablement, son prix a augmenté ces dernières années, spécialement au Maroc. Pour des panneaux de 4 cm, il est passé de 80-90 DH/m² à 110-120 DH/m². Notons bien que cela est un phénomène local, puisque ces mêmes panneaux coûtent 2 fois moins cher en Algérie et ne semblent pas avoir connu une telle hausse.
Comme toute approche liée à la qualité, il ne faut pas penser « achat », « coût » mais « investissement ». Et toujours garder à l’esprit qu’il ne faut comparer que ce qui est comparable.
FABRICANTS
Silima, Société Industrielle du Liège Marocain / Témara, Maroc / +212 661 210 297 / silima@wanamail.ma
Amorim / Mozelos, Portugal / +351 227 419 100 / geral.aisol@amorim.com
Isoliège / Constantine, Algérie /+213 561 736 346 / malek.liegedusoleil@gmail.com
Boudjelida liège / Jilel, Algérie / +213 661 810 330 / contact@boudjelida-liege.com
Âme du liège – SNIC – Liègisol / Saint-Geours-de-Maremne, France / +33 558 476 767 / info@ameduliege.com
DISTRIBUTEURS
Manorbois, Société Marocaine et Nordique des bois / Casablanca, Maroc / +212522401300 / manorbois@manorbois.com / Présent dans les grandes villes du Royaume.
Robelbois / Casablanca, Maroc / 212 522 618 484 / robelbois@robelbois.com
Bibliographie
L’isolation thermique écologique. Conception, matériaux, mise en oeuvre. J.-P. Oliva. Terre vivante, 2001, 2005.
La conception bioclimatique. Des maisons confortables et économes. S. Courgey, J.-P. Oliva. Terre vivante, 2006.
L’isolation phonique écologique. Matériaux, mise en oeuvre. J.-L. Beaumier. Terre vivante, 2006.
Le guide de l’habitat sain, 2ème édition. Drs S. et P. Déoux. Medieco éditions, Andorra la Vella, Andorre, 2002, 2004.
La Maison écologique. Revue bimestrielle, France, www.la-maison-ecologique.com
Webographie
Institut méditerranéen du liège – www.institutduliege.fr
Fédération française du liège – www.planeteliege.com
Aliécor – www.aliecor.com
SNIC, Suber Naturel Isolant Calorifuge – www.snic-liege.com
Liégisol – www.liegisol.com
Asecor, Agrupación Sanvicenteña de Empresarios del Corcho – www.asecorclustercorcho.com
Auteurs : Safaa Benadder, Nicolas Toitot
Relecture : Elena Jiménez Moreno
Illustrations : Safaa Benadder
Photographie de titre : Nicolas Toitot
Najib
Posted at 22:08h, 28 aoûtMes chaleureux encouragements « safati » ..
Que le bon Dieu te protége..